Et si Keynes était médium


Cet article a été publié sur LinkedIn le 19 décembre 2018

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10 mars 2004, je suis dans un camion de pompier à New York, direction l’hôpital.. ma coloc américaine drague le pompier, pendant que je suis allongée.. je viens de vomir du sang.. Ulcère à l’estomac sur une veine.. direction les soins intensifs pour me transfuser 2 poches de sang..

Je ne réalise qu’aujourd’hui à quel point cet événement a orienté ma vie..

Janvier 2003, j’ai 25 ans, je pars à NY faire du trading sur obligations convertibles.. la personne qui était précédemment à mon poste m’avait prévenue qu’elle n’avait pas tenue plus de 6 mois avec ce trader..

Pendant cette période, je me souviens d’une phrase qu’on répétait régulièrement, avec un collègue devenu ami, en rigolant à moitié, « tout va bien, ça fait de l’argent »

On le disait comme une constatation d’une réalité évidente, qu’on ne pensait même pas remettre en cause, tellement elle était établie..

Parler d’un comportement inapproprié de la part d’un trader qui fait de l’argent était impensable, puisque la seule valeur qui dirigeait, était l’argent..

Je réalise en l’écrivant que ça ne nous choquait même pas, ou en tout cas pas consciemment, puisque, si nous répétions cette phrase, c’est bien que nous avions perçu qqchose.. mais nous faisions partie d’un système, avec des bons cotés, dont nous profitions, mais aussi des travers guidés par l’argent comme valeur prédominante, sans se rendre compte de l’importance de la dimension humaine.

J’ai cette impression que personne n’avait vraiment conscience de cette situation où l’argent était la valeur toute puissante, qui fait sa loi, tellement chacun était pris dans sa réalité quotidienne, sans prendre le temps de prendre du recul.. sans doute lié à ce mécanisme d’inconscience mis en place pour permettre la survie.

Je me souviens de la réflexion d’un trader, à qui j’expliquais mon intérêt pour la complexité du produit, qui me mettait en garde de ne surtout pas le dire car cela reflèterait mon manque de motivation.

Car pour lui, l’objectif d’obtenir le plus gros bonus était signe de motivation et de sérieux.. 

J’ai toujours essayé de faire de mon mieux, mais ma motivation n’a jamais été l’argent.. ma motivation est mon envie de comprendre et d’évoluer.

Lorsque j’ai découvert l’univers des produits structurés, j’ai eu envie de comprendre le montage, le mécanisme mis en place pour arriver à ces produits, aux formules qui me semblaient magiques..

C’est cette même envie de comprendre, qui m’a poussée à m’intéresser aux relations humaines.. découvrir les mystères de nos fonctionnements..

J’ai réalisé récemment que cette expérience à NY est à l’origine de mon envie de concilier dimension humaine et dimension économique.

A l’image de mon approche du monde du travail, qui reposait sur ma recherche de sens, à travers mon envie de comprendre.. il était complètement logique pour moi de relier finance et humain, relier finance et sens, à l’image de la finance responsable.

Comme disait l’économiste Keynes en 1930, dans « lettre adressée à nos petits enfants » dans laquelle il imaginait le monde en 2030 et voyait un retour aux vraies valeurs humaines, où l’argent ne serait plus un but en soi mais un moyen de contribuer à l’économie.

Redonner à la finance sa vraie place, qui est de contribuer aux enjeux environnementaux et sociaux, au service des enjeux collectifs, dans notre intérêt individuel et collectif.

Avoir une vision globale, où la finance fait partie d’un tout au même titre que l’humain qui fait partie de la nature.

Avec le recul, j’ai surtout pris conscience que pour avoir cette vision globale, cela demandait d’être à l’équilibre, en son centre qui n’est que le cœur, notre sensibilité; cette sensibilité que je ne pouvais pas bloquer, contrôler mais au contraire apprendre à l’écouter, puisqu’elle est vraiment la source de mon potentiel.. la source du potentiel en chacun, qui n’est que l’intelligence du cœur, reliant corps et esprit.

« On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux » Antoine de Saint-Exupéry – Le Petit Prince


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